Pour effectuer une préparation de lames à fin d’examen microscopique,
il est le plus souvent procédé par écrasement ou par percussion, éventuellement avec une dilacération
préalable.
Mais ces méthodes qui permettent d’examiner facilement et rapidement les spores, et
quelquefois certaines cystides, a cependant le gros inconvénient de casser les éléments, d’éjecter les
spores des stérigmates et de modifier fortement leur disposition.
C’est pourquoi il est toujours préférable d’effectuer une coupe. Mais le problème reste que cette
opération demeure un exercice difficile parce que la coupe doit être la plus mince possible.
Si la coupe « à la volée », avec une lame souple de rasoir, est une technique facile à mettre en œuvre,
ses résultats sont très aléatoires. La simple torsion de la lame souple modifie l’épaisseur de la coupe
de plusieurs dixièmes de mm. Quant à la coupe guidée « contre l’ongle », elle nous a donné des résultats
certes quelquefois presque convenables, mais rarement, il faut l’admettre.
Nous avons testé successivement plusieurs dispositifs d’aide à la coupe microscopique, dits «
microtomes » :
Dans un premier temps nous avons utilisé un
microtome de type « Ranvier »
qui est le plus simple, mais qui ne fut pas vraiment satisfaisant.
Nous avons alors construit un
microtome « à rampe » (figure droite ci-dessous).
Comme pour le microtome de Ranvier, l’échantillon est coincé dans un bloc de mousse de sureau, mais
malgré un réglage plus facile, la coupe restait difficilement régulière, car le matériau, trop mou,
glissait sous la lame.
Nous avons alors cherché une méthode permettant, sans le dégrader, de rendre le matériel plus ferme à
la coupe.
La paraffine
On fait dessécher
l’échantillon que l’on fige ensuite dans un bloc de paraffine fondue. On effectue la coupe dans le
bloc, puis on dégage le copeau dans un bain de xylène. Inconvénients : préparation longue et
détérioration de l’échantillon par le dessèchement et le xylène. Nous avons donc écarté cette
technique.
L’alcool polyvinylique (PVA)
Cette fois, l ’échantillon est incorporé au PVA à l’état humide, et le copeau dégagé à l’eau. On
évite alors la plupart des inconvénients de la méthode à la paraffine. Une fois sec, l’échantillon
est enrobé d’une mince couche de PVA qui lui donne une meilleure rigidité pour la coupe. Reste que
cette méthode demande un délai de séchage d’au moins 24 heures, donc inutilisable en extemporané.
Le Polyéthylène Glycol (PEG)
Le PEG (Polyéthylène Glycol) 4000 se présente sous forme de petits copeaux, de consistance
rappelant la paraffine. Nous avons choisi le PEG 4000 qui se solidifie à 53-56 °C.
Matériel nécessaire (ou très recommandé)
- Une chaufferette réglable autour de 50-70 °C
- Un ou deux verres de montre.
- Microtome, aiguille emmanchée, pincettes ...
Méthode proposée
- Tailler un petit morceau du matériel.
- Mettre un verre de montre sur la plaque chauffante.
Mettre une pincée de PEG dans le verre de montre : la fusion
est immédiate (comme de la bougie, mais en plus fluide).
Y plonger l’échantillon et bien le retourner pour qu'il s'
imbibe entièrement du PEG. L’opération est aisée, compte tenu de l'avidité du PEG pour l'eau.
Retirer le morceau enrobé et le poser sur une lame pour le
laisser durcir en refroidissant. Il se fige comme de la paraffine.
L'insérer dans le microtome (dans la fente d'une mousse
synthétique ou de sureau) et prélever un copeau.
Lorsque la coupe a été effectuée :
- Mettre quelques gouttes d'eau sur une lame.
Y faire tomber le copeau, puis écarter la mousse en surplus
qui se sépare toute seule de l'échantillon.
- Relaver soigneusement pour enlever le maximum de PEG dilué.
Recouvrir d'une lamelle (indispensable, car si la coupe est
très mince, elle se dessèche très vite), sans trop presser afin de ne pas abîmer la structure de
l'échantillon.
- Observer au microscope immédiatement.
Caractéristiques générales du PEG :
Fusion au dessus de 53-56 °C.
Retrait à la solidification : environ 7 % du volume.
Toxicité : aucune. Ce produit est utilisé pour la fabrication de suppositoires, pommades, etc...
Conservation : à l'abri de l'humidité.
Avantages du PEG : préparation très rapide (par rapport au PVA,
par exemple, qui demande plus de 24 h de séchage)
Inconvénient : la plaque chauffante est nécessaire pour faire du bon travail
Conservation des coupes : aucun essai effectué à l'heure
actuelle avec le PEG. Noter que des solutions ont été testées avec l'alcool polyvinylique lactophénolé
(PVALPh) (1)
Remarques :
Le matériel
Il convient d'avoir du matériel pas trop humide. Sinon il est
préférable de le faire s'égoutter sur un morceau de buvard. Il convient aussi d'éliminer, pour les
mêmes raisons, toutes les parties inutiles, afin de ne pas apporter un complément d'eau inutile et
gênant. En effet le PEG étant très hygrophile, il risque de ne plus durcir immédiatement avec un
échantillon trop imbu.
En cas d'insuffisance d’enrobage, on peut replonger rapidement
l'échantillon dans le PEG juste fondant.
- Il est important de bien attendre la solidification complète du PEG
La chaufferette
La plaque chauffante d'une cafetière électrique peut dépanner,
en coupant l'alimentation de temps à autre.
Autre solution : le fer à repasser électrique, qui a
l'avantage d'être réglable en continu.
Le PEG
Le matériel enrobé de PEG peut être fait à l'avance et
conservé quelque temps à l’abri de l’humidité.
On pourrait aussi faire une inclusion totale dans un bloc de
PEG. Il n'est pas certain que ce soit toujours la meilleure solution, car le produit semblant très
isolant, le temps de refroidissement fera perdre de l'intérêt à la méthode.
Le microtome
Le microtome de « Ranvier » est un tube muni d’une collerette et d’un
piston à vis (figure gauche ci-dessus). Le matériel est coincé dans un bloc de mousse de sureau et est poussé vers l’extérieur
par le piston. Si, par exemple, le pas de vis est de 1 mm, 1/10éme de tour fait avancer, en théorie, le
bloc de 0,100 mm. Si son usage est une avancée certaine par rapport à la coupe « à la volée », nous ne
l’avons pas trouvé assez satisfaisant.
Le microtome « à rampe » : deux rampes inclinées sont superposées tête-bêche. Lorsque l’on écarte les
deux plans inclinés, la hauteur diminue. On obtient facilement des incréments de l’ordre de 1/100 ème
de mm (notre microtome a un rapport 130/1, c’est à dire que pour un tour complet de la molette, la
platine baisse de 130 microns).
Le microtome à piston a l'avantage de la simplicité et de la légèreté. Le microtome à rampe permet des
incréments plus précis et donc de meilleurs résultats. En fait, le microtome de Ranvier a été conçu pour
être utilisé avec de la moelle de sureau. Le faible diamètre de la moelle de sureau ne lui donne pas
assez de résistance à la flexion, et elle a tendance à se coucher lors de la coupe, d’autant plus que
sa consistance n’est pas toujours constante. Nous pensons qu’un microtome de type « Ranvier amélioré »
devrait, à coût raisonnable, donner de meilleurs résultats : on garderait la technique du piston et de
la vis au pas de 1 mm, mais on augmenterait le diamètre du piston à 15 ou 20 mm, ce qui donnera plus
de rigidité à la mousse synthétique.
Prix :
Microtome de Ranvier : de 20 à 150,00 Euro
Microtome à rampe professionnel : au moins 2.000,00 Euro
La mousse
La moelle de sureau a été avantageusement remplacée par un
bloc de mousse synthétique : l’avantage est que nous avons alors affaire à un matériau de
consistance constante, et permettant de tailler des blocs de la taille désirée.
Toutes les mousses synthétiques ne conviennent pas. En fait,
tout dépend du matériel à trancher (par ex. pour Panellus stypticus et Tremella
mesenterica, nous avons dû prendre une mousse assez dure). Nous nous sommes aperçu que la
coupe était d'autant plus aisée que le bloc de mousse était plus épais. En effet, un bloc de mousse
trop petit est trop souple ("compliant" en jargon technique anglais) ; un support plus rigide
permet une attaque franche de la lame, pour obtenir un copeau de moins de 0,1 mm.
- Des essais sont nécessaires pour trouver la mousse de
consistance optimale. Nous avons essayé la mousse de fleuriste et des mousses plus denses
(polystyrène expansé, extrudé... notre menuisier nous a fourni quelques chutes pour essais). La
mousse de type polystyrène extrudé, assez ferme, semblerait donner les meilleurs résultats.
Le rasoir
La lame de rasoir « de sûreté » est à proscrire car la
souplesse de la lame nuit à la régularité de la coupe. On choisira un rasoir à manche (« coupe
chou »), à lame bien droite, rigide et bien affûtée.
On obtiendra de meilleurs résultats en plaçant la lame en
biais par rapport au mouvement et en la tirant légèrement en arrière à fur et à mesure de la coupe.
L’épaisseur d’une coupe devrait faire 0,05 mm au plus (voisine
du diamètre d’un cheveu).
Lorsque la coupe est "réussie", le copeau s'enroule comme une
écorce de cannelle, sur un diamètre d'environ 1 mm. (figure gauche ci-dessous)
Divers
Nous avons obtenu une coupe réussie sur Tremella mesenterica
(à l’état frais !) pourtant très élastique.
La vue droite ci-dessous montre une fraction de la coupe d’une lame d’un petit exemplaire d’Agrocybe
pediades (objectif x40 , Canon G2 , mise au point manuelle, 1/10 sec, f 1 : 2.2 ).
Lorsque le matériel est très clair, il est difficile, sans binoculaire, de distinguer le fragment de
matériel de la mousse. On peut alors déposer le colorant sur le matériel avant de l’enrober de PEG, ce
qui se fait sans difficulté, puisque les colorants sont pratiquement tous solubles dans l’eau.
Bibliographie :
(1) (1) : Fiche technique du PVA par Marcel LECOMTE
(voir
http://users.skynet.be/Champignons_passion ou
mlecomte@skynet.be)
(2): Introduction à l’étude microscopique des champignons par Z.de Izzarra, S.M. du Poitou
(3) Les deux microtomes photographiés sont de fabrication personnelle
Annexe :
Préparation par dissociation et écrasement
Rappelons cette technique simple et rapide, conseillée aux débutants,
pour la plupart des espèces courantes (c’est à dire suffisamment fragile pour être écrasées sans
difficulté) :
Prélever un échantillon de matériel : plus il sera petit,
meilleurs seront les résultats ( la grosseur d’une tête d’épingle est un maximum).
Dilacérer éventuellement le matériel (aiguilles emmanchées et
loupe binoculaire conseillées).
Poser l’échantillon sur une lame, mettre une goutte d’eau ou
de colorant et le recouvrir d’un couvre lame.
Pour écraser, on peut :
soit poser un morceau de papier absorbant (hygiénique ou
ménager) intermédiaire et tapoter doucement avec le bout du doigt sur la lamelle (attention,
procéder avec grande délicatesse compte tenu de la fragilité du verre)
soit utiliser une gomme emmanchée ou encore la gomme d’un
stylo mine rétractable.
Il est généralement préférable de faire la première observation sans
colorant ni réactif. Si l’on désire rajouter du colorant sur la même préparation, poser une goutte de
colorant sur le bord du couvre lame, tapoter pour aider l’absorption par capillarité, et récupérer
l’excédent de colorant par l’autre côté de la lamelle avec un morceau de papier buvard.
Pour être utilisable, l’épaisseur de la préparation ne doit pas dépasser celle de une ou deux spores,
c’est à dire quelques dizaines de microns (à l’œil, elle doit être presque transparente, puisque le
microscope est utilisé par transmission).