Observation des dermatocystides
et des poils du revêtement
cuticulaire
des russules.
texte de Jean LACHAPELLE
Henri ROMAGNESI a
montré toute l'importance qu'il faut attacher dans le genre Russula à l'observation de deux éléments
du revêtement : les dermatocystides et les poils cuticulaires.
ROMAGNESI ne voyait pas de difficultés majeures dans l'observation de ces poils ; en revanche, il a
souligné le fait que "Des mycologues expérimentés n'ont pas perçu des
dermatocystides épicuticulaires là où elles existaient pourtant".
Ces dermatocystides,
selon lui, sont "essentiellement caractérisées par la présence de corps
noircissants dans les réactifs sulfoaldéhydiques".
Personnellement, nous nous demandons si les amateurs
de russules ne se sont pas trop focalisés sur la prétendue difficulté d'observation des dermatocystides
et du coup n'ont pas osé les observer dans un milieu autre que les réactifs sulfoaldéhydiques.
Nous vous proposons ci-après un modus operandi, relativement simple d’application, et qui donne
généralement des résultats d'une excellente lisibilité. Dans un premier temps, il ne nous paraît pas
indispensable d'utiliser ces réactifs sulfoaldéhydiques, qui sont d'un maniement délicat, voire
dangereux, car ils impliquent la mise en œuvre d'acide sulfurique à haute concentration, avec les
risques de manipulation que cela comporte. Notre expérience personnelle nous conduit à penser que ces
derniers réactifs sont à réserver à de rares cas "récalcitrants".
Les conditions à remplir pour arriver à une bonne mise en évidence des dermatocystides sont :
- 1. Comme le souligne quasi impérativement Romagnesi : travailler sur des sujets
frais.
- 2. Réaliser un scalp bien en biais, dans une partie du revêtement cuticulaire proche du
centre du chapeau.
- 3. Utiliser un colorant adéquat.
Le rouge Congo, plus
particulièrement dans une solution aqueuse à laquelle on a adjoint du SDS (Sulfo Dodécyl Sulfate),
selon la formule de Clémençon, révèle en général extrêmement bien les dermatocystides, mais aussi les
poils de la cuticule (il est important de le souligner).
Comme l'a très bien exposé Bart BUYCK dans un article paru dans le Bulletin de la SMF, (t. 105,
fasc. 1), le bleu de crésyl aboutit souvent à un aussi bon résultat, à condition que le prélèvement
soit suffisamment petit.
Il présente en outre deux grands avantages :
1. Quoique moins lumineux que le rouge Congo, ce
colorant révèle, aussi et très bien, les laticifères et les incrustations notamment des hyphes
primordiales,...sans parler de ses propriétés méta-chromatiques.
2. La réaction est indifférente à l'état du champignon
(frais, exsiccata, jeune, vieux, conditions climatiques).
Lorsque la cuticule
est visqueuse, ce qui est assez fréquent parmi les russules, le bleu de toluidine est un colorant
plus recommandable que les deux précédents.
Nous utilisons le bleu de crésyl alcoolique de Clémençon qui est facile d'emploi et de longue
conservation (recommandé par B. BUYCK). Vous trouverez sa formule de préparation dans la fiche
technique relative au bleu de crésyl.
En suivant minutieusement la méthode décrite ci-dessus, il est rare de rencontrer un échec ; si c’est
le cas, il faut alors s'interroger sur la cause du problème et chercher l’erreur de manipulation ;
et surtout, plus pragmatiquement, ne pas craindre d’effectuer une nouvelle préparation. Eventuellement,
utiliser un autre colorant.
Si le manque de résultats se confirme et qu’après cela, vous n’arrivez pas à mettre en évidence les
dermatocystides, il est temps maintenant d’avoir recours à la panoplie des réactifs
sulfoaldéhydiques !
Voici comment nous procédons :
1. Prélever un scalp de quelques millimètres sur une
zone +/- proéminente (pincer si nécessaire) située près du centre du chapeau, approximativement au
1/3 du rayon, en prenant soin de biaiser aussi finement que possible.
2. Déposer le scalp dans l'eau, le retourner et éponger.
3. Sous la loupe binoculaire (à défaut, sous une loupe
quelconque et sous un bon éclairage), découper l'étroit pourtour biaisé (le bord du bord !) ; le
débiter en quelques très petits morceaux qui doivent ressembler à des lambeaux de dentelle ; les
transporter "par voie d'eau" dans le bleu de crésyl.
4. Laisser agir le colorant un moment ; poser la lame
couvre objet ; écraser doucement d'un mouvement vertical (et non de translation) de manière à avoir
une dispersion centrifuge (en bouquet) qui révèle mieux le « chevelu ».
5. Si l'observation à sec (400 ou 600x) suffit
généralement, elle est tout de même meilleure sous l'objectif à immersion. Ne pas oublier de
retirer l'éventuel filtre bleu du microscope.
Nous sommes vivement
intéressés à connaître les avis et les résultats expérimentaux des collègues qui utiliseront la
méthode exposée ci-dessus.