COMMENT PROCEDER A DES COUPES MINCES DANS LES CUTICULES DE LACTAIRES ?


L'ouvrage "The genus Lactarius" de Jacob Heilmann- Clausen, Annemieke Verbeken & Jan Vesterholt, publié en 1998 dans la collection Fungi of Northern Europe, vol. 2, présente une étude approfondie et originale des types de cuticule que l'on rencontre dans ce genre riche en belles espèces. En outre, les illustrations des cuticules des espèces décrites sont très bien réalisées, ce qui s'avère précieux pour différencier certaines espèces ressemblantes.

Avant cela, nous disposions de l’iconographie proposée par Marcel BON, en 1980 (« Clé monographique du genre Lactarius», in Documents Mycologiques, fascicule 40, tome X, pp. 3 & 5) ; il faut cependant reconnaître qu’elle était d’une moindre ampleur, malgré toute l’aide qu’elle a pu nous apporter.

Notre intention est de décrire une méthode simple afin de pouvoir obtenir des coupes du pileipellis suffisamment minces pour permettre une bonne observation de la formule de leur structure. Cette méthode s'applique à des champignons frais.

Notre recherche de simplicité se justifie par le fait que la plupart des mycophiles ou mycologues ne disposent pas nécessairement de microtomes, même de conception simple.
Le plus accessible financièrement est le microtome de Ranvier à vis micrométrique (environ 125,00 Euro) qui permet des coupes de l’ordre de 15 à 30 µm ; vient ensuite un microtome de table à rampe que nous avons « amélioré » et qui permet des coupes de l’ordre de 10 µm (son prix, avec les modifications effectuées par un tourneur spécialisé, est de l’ordre de 400,00 Euro) ; les microtomes de laboratoire permettent des coupes de l’ordre de 1 ou 2 µm (le microtome à glissière le moins cher répertorié lors de nos recherches, coûte 2.000,00 Euro).
La difficulté ne s’arrête pas là, même si l’argument financier ne constitue pas un problème ! En effet, la coupe de tissus mous au microtome implique obligatoirement l’inclusion dans de la paraffine, du PVA (Alcool PolyVinylique) ou du PEG (PolyEthylène Glycol), ce qui entraîne nombre de manipulations et l’utilisation de divers produits chimiques, qui risquent d’en décourager plus d’un !

Rappelons d'abord qu'un millimètre se partage en 1.000 microns (µ ou mieux µm) et que l'épaisseur idéale d'une bonne coupe devrait se situer entre 10 et 20 µm maximum. La première condition à remplir pour y arriver est de disposer d'une bonne loupe binoculaire. Sous celle-ci, il y a lieu de pratiquer une coupe qui, à l'œil nu, semble mesurer (0,5 à) 1 mm mais qui, en raison d'un grossissement de 25 à 50 fois a, en réalité, une épaisseur de 1000/25 µm, soit (20 à) 40 µm ou, nettement mieux, de 1000/50 µm, soit de (10 à) 20 µm. La condition complémentaire et nécessaire est de procéder à une coupe se terminant en biais : on peut ainsi atteindre des épaisseurs à ce point réduites que la structure est facilement lisible.

Après quelques essais et un minimum d'application, la méthode se réalise sans difficultés. Découper dans le chapeau un triangle dont le sommet part du centre. Trancher les lamelles au ras de la chair de manière telle que la surface dégagée puisse être posée bien à plat et soit stable. Porter ce triangle sur une lame porte-objet et déposer une grosse goutte d'eau dans un coin de cette lame. Amener le tout sous l'objectif de la loupe binoculaire, poser l'index à plat sur la chair et la comprimer légèrement, régler l'éclairage et la mise au point : avec une lame de rasoir procéder, à mi-rayon et en prenant appui sur l'ongle, à des coupes fines (semblant inférieures à l'œil nu à un millimètre) se terminant en biais : les transporter dans la goutte d'eau.

Une astuce très intéressante ! Préparer une solution d’alcool méthylique à 50 %, dans un flacon hermétique à large ouverture et y tremper la lame de rasoir juste avant utilisation : cela permet d’éviter que la coupe colle sur la lame ou s’y enroule comme une cigarette….

La lame de rasoir doit être semi-rigide ; trop souple, elle ne permet pas d'opérer avec précision. Le tranchant de la lame doit être incisif de manière à pénétrer la chair sans effort et sans devoir la compresser. Le nombre de coupes est fonction du taux de réussite de la manœuvre : 3 ou 4, voire 5 ou 6 à titre indicatif.

L'étape suivante consiste à observer sous la loupe binoculaire à un grossissement de 10 à 25 x, les diverses coupes pour y choisir celles qui sont réussies. Nous considérons qu’elles le sont lorsque se distinguent, souvent dans le biais, des parties transparentes sur une hauteur suffisante. Cette hauteur comprend la couche de la chair la plus superficielle et de structure différenciée, ainsi éventuellement que la couche inférieure de structure plus homogène. Si vous n'utilisez pas habituellement une goutte d'eau pour y choisir les coupes les plus réussies, vous serez étonné de constater la clarté et l'effet de loupe que cette goutte d'eau peut produire.

Il faut alors amener sous la loupe binoculaire les bonnes coupes et découper dans chacune de celles-ci les portions les plus minces : ce sont ces quelque 3 ou 4 très petits prélèvements que l'on conduira précautionneusement avec une aiguille emmanchée par un chemin d'eau (une goutte d'eau étendue) dans un colorant classique (rouge Congo SDS, par exemple). Recouvrir avec la lame couvre-objet en s'efforçant de ne pas comprimer pour préserver l'intégrité de la structure. Observer chacune des coupes.

La maîtrise de cette méthode de coupe trouve également une application dans les autres genres nécessitant une étude du pileipellis. Bien entendu, on peut aussi pratiquer des coupes dans des champignons préalablement séchés (exsiccata) : si la procédure est plus longue, l'obtention de coupes minces est, en revanche, plus aisée. L'exsiccata doit avoir la consistance d'un bois tendre. La méthode consiste à détacher, à main levée ou autrement, de fins copeaux avec une lame de rasoir très ferme.

(*) Ammoniaque 20 ml, éthanol (ou méthanol) 80 ml, glycérine 1 g.