Des colorations assez faciles à réaliser :
La coloration de masse des GRAINS DE POLLEN
Préparations définitives de pollens de référence.
Il s’agit d’un exercice de préparation assez facile à conduire à bon
terme, et qui donne des résultats spectaculaires et motivants.
Nous tenons cependant à préciser immédiatement que ce mode opératoire ne concerne dans un premier temps
que des colorations de masse permettant simplement de "voir" nettement le grain de pollen, qui très
souvent est hyalin et peu visible sans marquage par coloration.
La pratique du métier ardu d'instituteur nous a appris à partir du simple pour aller vers le compliqué,
en essayant d'entraîner un maximum d'élèves vers le but à atteindre, en ne laissant si possible personne
à la traîne. C'est là toute la difficulté de l'initiation !
C'est le premier pas pour quelqu'un qui aborde un nouveau sujet en microscopie ... le second consiste à
aller plus loin lorsqu'on maîtrise le sujet !
Aller plus loin, c'est effectivement mettre en évidence des détails de structure externe ou interne,
donc pratiquer des colorations sélectives, suivies de régression ou précédées de mordançage, appliquer
des doubles colorations, utiliser des colorants métachromatiques .... pour ne citer que ceux-là !
Mais là, nous passons à un autre niveau qui implique de posséder des connaissances pour le moins
rudimentaires de chimie minérale et organique et aussi de bonnes connaissances de biologie végétale ;
en effet, avant de tenter de colorer sélectivement ou de mettre en évidence les colpus, sporopollénine,
intine, exine, endextine, extectine et autre aperture .... il faut d'abord savoir ce que c'est et à
quoi cela correspond ou sert !
Cette fois, nous sommes devant le second obstacle à franchir et il est beaucoup moins facile à
aborder... Comme disait l'oncle Paul, c'est une autre histoire que nous vous raconterons une prochaine
fois !
La constitution de lames référentielles implique la parfaite connaissance de la plante récoltée et nous
avons le sentiment que chaque préparation doit être accompagnée d’une photo numérique ou argentique,
ou encore d’un scan pour lever toute ambiguïté ou problème futur de détermination. Cela peut conduire
également à la constitution d’un herbier.
N’oublions pas cependant que certaines plantes relèvent d’un plan de protection et que leur cueillette
est en principe interdite : il n’est rien mentionné pour le prélèvement du pollen !
Question idiote : Qu’est-ce qu’un grain de pollen ?
C’est l’élément sexuel mâle de
la fécondation chez les plantes phanérogames (c'est-à-dire les plantes dont les organes de
fructification sont apparents, qui portent des fleurs à un moment donné de leur développement et qui se
reproduisent par graines). Le pollen est produit par les anthères.
Comme la fécondation est confiée à des agents extérieurs comme le vent ou les insectes par exemple, la
quantité de grains est parfois phénoménale et est appelée, dans certaines régions « pluie de soufre ».
Le grain de pollen se dépose sur le stigmate du pistil et il émet alors un tube pollinique qui va aller
jusqu’à l’ovule.
La taille d’un grain de pollen varie de 2,5 µm chez le Myosotis à 200 µm chez certaines Cucurbitacées,
comme la Courge.
Chez certaines personnes, le pollen peut provoquer des réactions allergiques graves se manifestant par
le rhume des foins ou un asthme pollinique.
Chez les Algues, les Champignons, les Mousses, les Prêles et les Fougères, on parlera de spores.
Pour les pollens d'origine inconnue, il faut se référer à une palynothèque. Pour ceux qui sont
intéressés, il est possible de consulter le remarquable site conçu par Michel VEROLLET, qui est
palynologue et où il vous présente sa passion.
http://perso.wanadoo.fr/pollens/
Vous y trouverez notamment des informations sur les capteurs, sur les allergies ainsi que les bulletins
de répartition des pollens de différentes régions de France. Notons également la présence de liens vers
deux clés de détermination très efficaces, conçues par l’Académie de Bordeaux et de Montpellier.
EN PRATIQUE :
Il est préférable d’acquérir le « tour de main » en travaillant sur
des grains de pollen faciles à récolter et spectaculaires à regarder : nous vous conseillons de vous
tourner vers la Rose Trémière (Alcea rosea Linné, - Malvacée), intéressante par la taille des
grains. On pourrait aussi se diriger vers la famille des Cucurbitacées (Potiron, Courge, etc...) à
grains énormes également, ou encore, dans les plantes ornementales, choisir Hibiscus syriacus
(le Ketmie de Syrie)...
Nous avons récolté du pollen, nous connaissons la plante : il ne reste plus qu’à œuvrer !
Suite à l'information transmise par un ami, modérateur d’un forum de microscopie, nous nous sommes
dirigé vers la méthode de WODEHOUSE (1935), qui nous paraît la plus simple, et que nous avons un peu
adaptée à nos préférences, car nous n'aimons pas la glycérine gélatinée qui implique de devoir chauffer
les lames....
modus operandi :
- récolter le pollen
le réunir en petit tas au centre de la lame de verre
avec une lame de rasoir (ne pas oublier de bien nettoyer cette lame après l’opération, sous peine
de polluer la lame suivante avec des grains parasites) - voir fig.1
- déposer délicatement une goutte d'éthanol à 95° sur le tas de pollen
oublions l'alcool absolu, car il est tellement
hygroscopique que dès qu'on ouvre le flacon il absorbe l'humidité de l'air et n'est donc plus
"absolu" - sa conservation implique l'utilisation d'un flacon spécial avec un déshydratant
puissant, comme le sodium, et relève d'un laboratoire)
ne pas placer la goutte en contact direct avec le pollen, qui
risque de rentrer dans la pipette et polluer ainsi tout le flacon
si vous placez trop d’alcool sur le pollen, il va se répartir
sur toute la lame et vous en perdrez une bonne partie
ce traitement est appliqué afin de nettoyer l’enveloppe du
grain de la couche huileuse qui masque les détails ornementaux et empêcherait le colorant de
pénétrer
nous répétons 2 fois l'opération afin de bien
déshydrater
nettoyer les précipités ou cristaux formés à l'extérieur
de la goutte (sous forme d’auréole) - voir fig. 2
utiliser pour cela un bâtonnet pour oreilles (coton tige) ou
un bout d’essuie-tout imbibés légèrement de méthanol
déposer délicatement une goutte de
colorant (voir liste ci-dessous) et laisser agit durant 2 à 5 minutes -voir fig. 3
- déshydrater 3 fois de suite à l'alcool à 95°
poser 2 gouttes de Baume du Canada
(c'est à cause de lui que je prends tellement de soin à déshydrater)
poser la lame couvre objet avec les
précautions d’usage, afin d’éviter au maximum les bulles d’air
- luter au vernis à ongles transparent
poser la (les) étiquette(s) d'
identification et les vernir également
Vous êtes maintenant le réalisateur et l'heureux
possesseur d'une préparation définitive qui risque de vous survivre (des préparations que nous avons
réalisées en 1969, au Baume du Canada sont toujours impeccables ....)
de gauche à droite, figure 1 (récolte d'un tas de pollen) ; figure 2 (apparition de l"auréole provoquée
par l'action de l'alcool) ; fig 3 (action de colorants divers)
Les colorants à utiliser :
Nous en avons expérimenté toute une série, sans aucun
déboires ; tout cela fonctionne à merveille et constitue un régal pour les yeux.
- la Safranine formolée de Sémichon
(elle colore en rouge +/- foncé)
- la Phloxine B alcoolique
(elle colore en mauve violet)
- le Rouge Congo SDS
(il colore en rouge clair et met remarquablement en évidence le revêtement
cuticulaire) ; SDS signifie Sodium Dodécyl Sulfate ; cette formule a été mise au point par
CLEMECON, un mycologie célèbre.
- le Vert d'iode
(il colore en vert tendre)
- le Vert de Méthyle
(il colore en vert plus nettement émeraude)
- l' Eosine aqueuse à 2 %
(elle colore en rouge clair)
- le Rouge neutre
(il colore en rose rouge)
- la Fuchsine phéniquée de
Ziehl, préparée à base de fuchsine basique (elle colore en bleu violet et peut être
régressée avec de l’acide chlorhydrique à 5 %)
TRES IMPORTANT (voire même ESSENTIEL) :
Il n'y a pas de miracle : l'utilisation de colorants
en microscopie implique des dosages précis, (nous utilisons une balance électronique au 1/10 de gramme
près) avec des dilutions, selon les colorants, de l'ordre de 1:100 (1 g de colorant pour 100 cc d'eau
distillée ou d'alcool, ou autre solvant ou mélange de solvants), 1:200, 1:500,1:1.000, voire 1:10.000
... Le non respect de ces dosages (c'est à dire la technique de l’ "à peu près") génère des
surcolorations désagréables et décourageantes, et les résultats ne sont pas constants !
Voici une série de photos exemplatives, réalisées avec le pollen de Rosea altea (Rose trémière),
Echium vulgare (Vipérine vulgaire), ou Convolvulus sepium (Liseron des haies)
De gauche à droite :
fig. 1 : pollen de Vipérine, coloré à la safranine
fig. 2 : pollen de Liseron des haies, coloré à la safranine
fig. 3 : pollen de Rose trémière, coloré à la Fuchsine de Ziehl
De gauche à droite :
fig. 1 : pollen de Rose trémière, coloré au vert d'iode
fig. 2 : pollen de Rose trémière, coloré à la Phloxine B alcoolique
fig. 3 : pollen de Rose trémière, coloré au rouge Congo SDS
De gauche à droite :
fig. 1 : pollen de Rose trémière, coloré au Rouge neutre
fig. 2 : pollen de Rose trémière, coloré à la safranine, avec un grain non coloré