Notions sur les rouilles



Texte de Arthur VANDERWEYEN


Les rouilles sont des maladies des plantes causées par des champignons basidiomycètes appartenant à l’ordre des Urédinales et dont le cycle de développement est très particulier. Ils ont jusqu’à 5 types de spores différents. Certaines spores naissent sur une plante-hôte donnée et les suivantes sur une espèce différente, pouvant être systématiquement très éloignée, par exemple une ptéridophyte et une spermatophyte, ou bien un conifère et une graminée. Cette spécialisation est très stricte.


Schéma d’un cycle de développement.


Stades 0 et I.

A la germination d’une basidiospore sur une plante A, et l’infection ayant eu lieu, le champignon provoque l’apparition d’une macule foliaire. Au centre de cette tache apparaissent de minuscules points plus ou moins foncés, qui sont des conceptacles appelés spermogonies, dans lesquels naissent de minuscules spores, les spermaties. C’est le stade 0 ou S, selon les auteurs. Ces petites spores sont produites par un mycélium dérivant directement de la basidiospore infectante. Elles ont le même nombre haploïde de chromosomes (n) et vont germer sur l’espèce A, et, sauf transport par insecte, sur le même individu. La rencontre de deux mycéliums de valence sexuelle différente induit la formation, souvent sur l’autre face d’une feuille, de réceptacles appelés écidies, contenant des écidiospores (stade I), dont la particularité est de posséder, non pas un noyau diploïde, mais bien deux noyaux haploïdes (n + n).


Stades II + III + IV.

C’est alors que va se passer le changement d’hôte. Les écidiospores ne germeront que sur une espèce différente (hôte B), sur laquelle la maladie se traduira d’abord par la formation de groupes ou sores d’urédospores (stade II) toujours à n + n chromosomes. Ces urédospores sont des agents de dispersion de la maladie sur l’espèce B.
Le cycle se poursuit par la formation, sur B, de spores particulières, appelées téleutospores (stade III), dans lesquelles les deux noyaux haploïdes vont s’unir pour donner un zygote diploïde (2 n). Ces téleutospores peuvent être uni- ou pluricellulaires («compound teliospores» en anglais). Dans le cas des Puccinia, par exemple, elles sont bicellulaires. Chacune des cellules va germer en formant un court mycélium, la probaside, dans lequel le noyau se divise, par méiose, en quatre noyaux haploïdes, et qui devient une baside cloisonnée. Chaque élément produit une basidiospore (stade IV), qui ne sera pas contaminante pour l’hôte B, mais bien pour l’espèce A. La boucle est bouclée. Les phytopathologistes ne mentionnent pas souvent les basidiospores comme un stade IV, car leur présence est nécessaire, alors qu’il existe de très nombreuses exceptions, qui ont valeur taxonomique, dans les autres types de spores.




Résumé des stades de développement.


0 (ou S) : spermaties dans des spermogonies (n)

I. : écidiospores dans des écidies (n + n)

Changement éventuel d’hôte.

II. : urédospores dans des sores (n + n)

III. : téleutospores dans des sores (n + n soit 2 n)

Division du noyau donnant 4 noyaux n

IV. : baside et basidiospores





Exemples :

Il existe de nombreuses exceptions à ce schéma trop simplifié. Certaines rouilles, que l’on dit autoxènes, effectuent leur cycle complet sur la même espèce. C’est le cas de la rouille blanche, (Puccinia albescens), sur la moscatelline, (Adoxa moschatellina). Mais de très nombreuses rouilles, dites hétéroxènes, s’attaquent successivement à deux plantes.
La rouille noire des graminées, (Puccinia graminis), se présente, aux stades 0 et I, sur l’épine- vinette, (Berberis vulgaris), et aux stades II, III et IV sur le froment.
La rouille grillagée du poirier, (Gymnosporangium sabinae), est en O et I sur le poirier et en III et IV sur divers genévriers, sur lesquels elle produit, au printemps, de remarquables protubérances orange. Chez cette espèce, le stade II (urédospores) fait défaut. Le cycle est donc normalement incomplet.
La rouille du peuplier, (Melampsora populnea), est, en 0 et I, sur le pin sylvestre et, en II, III, IV, sur le peuplier.
La rouille du rosier, (Phragmidium mucronatum), autoxène, possède de ramarquables téleutospores pédicellées à 6 ou 7 cellules.
Chez la rouille du géranium, (Puccinia pelargonii-zonalis), on ne connaît que les stades II à IV , les écidies étant soit inexistantes, soit éventuellement présentes sur des plantes avec lesquelles on n’a pas établi de relation.

L’ordre des Urédinales compte actuellement 15 familles dont les plus connues sont les Mélampsoracées, à téleutospores sessiles, et les Pucciniacées, à téleutospores pédicellées. L’étude des rouilles se révèle aussi facile que celle des agarics, car le matériel d’herbier se conserve aisément et les téleutospores notamment se reconnaissent parfaitement après parfois plus de 150 ans de séjour en mycothèque.