Des colorations spectaculaires :
LES
PAROIS CELLULAIRES des tissus végétaux, à structure lignifiée
Cet article est le résultat de notre expérience personnelle complétée
par celle de Dominique VOISIN (France).
Nous avons porté notre intérêt vers l’histologie végétale et les tissus ligneux, car le matériel de
travail est assez facile à trouver ; nos préférences vont à l’ortie (Urtica dioica L.), la
ronce des haies (Rubus sp.), le framboisier (Rubus idaeus L.), la mercuriale vivace
(Mercurialis perennis L.), l’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria L.), la consoude
officinale (Symphytum officinale L.), au Cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris (L.) Hoffm.),
et diverses Ombellifères, au hasard des rencontres….
Ces expérimentations avaient au départ une simple vocation d’exercice, mais les résultats obtenus
s’avèrent tellement spectaculaires et encourageants qu’ils nous amènent à poursuivre sur ce chemin et
à donner l’envie de partager notre expérience acquise souvent par la méthode des essais et erreurs,
source inévitable d’une perte de temps que nous souhaitons vous éviter !
Nous travaillons en coupe radiale (transversale).
Les coupes peuvent être réalisées :
à main levée (difficulté d’obtenir une coupe uniforme et
régulière)
au microtome de Ranvier (les coupes font en général 15 à 25 µ
; avec un bon rasoir à manche destiné à cet usage, on peut descendre à 12 – 15 µ ; l’objet à
trancher est utilisé « nature » s’il est volumineux, ou placé dans la moelle de sureau, le
polystyrène extrudé, un cylindre prélevé dans un carotte ou une pomme de terre crue)
au microtome à plat (l’objet est inclus au PVA ou au
polyéthylène glycol ; les coupes sont régulières à 10 – 12 µ, parfois proches de 5 - 8 µ avec une
lame neuve). Pour obtenir des coupes plus fines, il faudrait recourir au microtome de laboratoire,
inaccessible malheureusement à des non professionnels …)
Voici l’ordre idéal des opérations successives à appliquer au matériel choisi ! Certaines étapes
pourront être négligées parfois ; d’autres sont impératives sous peine de résultats médiocres et
décourageants !
FIXATION (1) |
INCLUSION (2) |
COUPE (3) |
COLORATION (4 - 4a) |
MONTAGE (5) |
Si on réalise des coupes à main levée ou au microtome de Ranvier, sans inclusion, on peut bouleverser
l’ordre des opérations, et pratiquer ainsi :
COUPE (3) |
ECLAIRCISSEMENT (4) |
FIXATION (1) |
COLORATION (4a) |
MONTAGE (5) |
Les différentes étapes vont être développées dans l’ordre numérique indiqué dans l’ordre repris dans
les tableaux ci-dessus : à vous de les appliquer selon le choix effectué !
1. LA FIXATION
Voir la fiche technique de microscopie qui traite largement ce sujet !
Si nous souhaitons étudier le contenu cellulaire (noyau, cytoplasme), le fixateur simple le plus
courant (et sans doute le plus efficace) est le formaldéhyde : il ne contracte pas les tissus mais les
durcit fortement ; il acidifie le cytoplasme qui devient basophile et prend donc les colorants avec
avidité ...
Dans le cas présent, le contenu cellulaire aura disparu après éclaircissement, donc on peut se tourner
simplement vers l’éthanol à 95°, ou même le méthanol (moins coûteux , plus facile à trouver … mais
résultats moins bons).
Personnellement, nous utilisons l’alcool formolé acétique ou des fixateurs à base de trinitrophénol
(acide picrique), comme le Bouin ou le Hollande.
D. VOISIN : « j'utilise un produit pour désinfecter les aquariums, qui est composé de formol à 4%
et de bleu de méthylène ; c'est bien pratique : ça fixe et ça colore en même temps. je remets un volume
d'eau et un volume de formol à 4 % au mélange de départ pour obtenir un liquide plus clair et une
coloration plus lente, et en 5 - 10 minutes, c'est fait ! »
Etapes successives :
appliquer le fixateur choisi durant 10 à 15 minutes
rinçage à l’eau ordinaire : 2 bains successifs de 5 puis 10
minutes, en changeant l’eau
ATTENTION ! le formol est à déconseiller lorsqu’on inclut à la paraffine !
2. L’ INCLUSION
Nous considérons qu’elle n’est pas nécessaire pour des observations
ponctuelles où la finesse de coupe n’est pas primordiale. Mais elle facilite nettement la précision de
coupe avec les microtomes à main.
Si on souhaite débiter des coupes en série, l’inclusion est indispensable ! Elle sera réalisée à la
paraffine (solvant : le xylol ou xylène) ou avec des matériaux « plastiques » comme le PVA (Alcool
PolyVinylique) ou le polyéthylène glycol, solubles à l’eau.
Voir la fiche technique du PVA à ce sujet ; pour la paraffine, consulter le Précis de microscopie » de
LANGERON ou le « Manuel de microscopie » de LOCQUIN & LANGERON.
Les pièces à inclure seront toujours de petite taille (quelques millimètres).
On utilisera des petits moules d’1 à 2 cm³, comme un dé à coudre ou l’équivalent.
3. LA COUPE
Nous ne parlerons pas ici des microtomes professionnels pour les
raisons invoquées ci-dessus.
Elle constitue une étape essentielle du travail, car d’elle va dépendre la qualité des observations
futures : plus la coupe est fine, plus nette sera l’observation ! Le matériel de coupe (rasoir ou lame)
doit être aiguisé au cuir avant chaque séance.
Placer sur la lame et sur l’objet à trancher, une goutte d’eau alcoolisée qui évitera à la coupe de
s’enrouler ou de se tasser.
Pour manipuler les coupes, utiliser un pinceau ou une aiguille : pas de pinces qui vont lacérer les
tissus ! Bien sécher le matériel après chaque usage !
4. L’ ECLAIRCISSEMENT
Il est impératif d’éclaircir les coupes non collées, lorsqu’elles sont
destinées à l’étude des parois cellulosiques (ce qui nous intéresse dans le cas présent). Il est
indispensable de vider les cellules de leur contenu cytoplasmique pour ne garder que le squelette
cellulosique des tissus. Nous utiliserons à cet effet l’hypochlorite de soude (Na), préférable à l’eau
de Javel, trop impure.
Etapes successives :
bain d’hypochlorite de soude en solution aqueuse à 50 % (de
quelques secondes à 5 minutes selon l’âge des tissus) ; nous jaugeons le temps à l'œil : la coupe
est prête lorsqu’elle est homogène et blanchâtre.
Vu la relative difficulté de se procurer de
l’hypochlorite de Na pur, D. VOISIN utilise un produit pharmaceutique en vente libre, le DAKIN,
dilué 2 x (1 cc de Dakin pour 2 cc d’eau), durant 10 à 15 minutes.
lavage à l'eau acidulée par l’acide acétique (eau additionnée
d'un peu de vinaigre blanc : 1 cc de vinaigre pour 10 cc d’eau) pendant 10 - 15 minutes également.
On peut aussi utiliser le bisulfite de soude dilué.
dernier rinçage à l’eau ordinaire
On peut également travailler sur des exsiccata, mais alors, il faut travailler à chaud, sans laisser
bouillir (70° maximum).
4a. LA COLORATION
1/ double coloration : Bleu de méthylène + carmin aluné
Préconisée par D. VOISIN, après le formol au bleu de méthylène :
« je passe au carmin aluné. J'ai un liquide très concentré que j'ai dilué
pour obtenir un mélange dont la densité est comparable au vin rouge, ceci pour avoir une coloration
progressive et sans zone ; les coupes y séjournent entre ½ h et 1 heure, le carmin se fixant beaucoup
plus lentement que le bleu de méthylène. » … « en cas de surcoloration de l'un ou l'autre des
colorants, un passage dans le DAKIN dilué permet de récupérer une densité de couleur plus agréable ;
diluer à 1 + 4 ou 5 et bien surveiller : il ne se passe rien pendant les deux premières minutes et
après ça va très vite ! Pour stopper l'effet du DAKIN prévoir un bain d'eau additionné de vinaigre
blanc (10 parts d’ eau pour 1 part de vinaigre)."
2/ double coloration : Vert d’iode + carmin aluné
Un grand classique !
Etapes successives :
colorer au carmin aluné durant une heure minimum (nous
préférons aller jusqu’à 2 heures)
rinçage rapide à l’eau ordinaire
colorer au vert d’iode durant 10 à 15 secondes
rinçage rapide à l’eau ordinaire
en cas de surcoloration du vert d’iode, différencier à l’acide
chlorhydrique à 5 % (il permet de mieux contrôler la régression qu’une solution plus concentrée) et
laver à l’eau ammoniaquée à 1 %. Ce processus est valable également pour le vert malachite, le vert
de méthyle et le vert solide.
Les éléments ligneux sont remarquablement colorés en vert, et le reste
est rouge carmin, avec un excellent contraste et une préparation spectaculaire.
3/ double coloration : Rouge de ruthénium + bleu de méthylène aluné
Elle fournit également des préparations exceptionnellement colorées.
Etapes successives :
colorer au bleu de méthylène aluné durant 10 minutes
rinçage rapide à l’eau ordinaire
colorer au Rouge de ruthénium durant 10 minutes
rinçage rapide à l’eau ordinaire
Les éléments lignifiés sont colorés en bleu, le sclérenchyme est
violet, le liège est vert et le parenchyme affiche des variations de rose.
5. LE MONTAGE
Par montage, nous entendons l’idée de montage permanent, c'est-à-dire
de préparations didactiques à durée de conservation la plus longue possible.
Deux possibilités s’offrent à nous :
montage en milieu hygrophile (glycérine gélatinée, PVA, polyéthylène glycol)
AVANTAGES :
- rapide à réaliser
- pas nécessaire de déshydrater
- meilleure conservation de certaines couleurs (surtout dans la glycérine gélatinée)
INCONVENIENTS :
- nécessité de luter
- longévité moins grande qu’avec une résine
- certaines couleurs disparaissent vite dans le PVA
- les bulles d’air éventuelles restent en place
montage en milieu non hygrophile (Baume du Canada)
AVANTAGES :
- durée de conservation très longue
- réduction des bulles d’air (avidité pour l’oxygène)
INCONVENIENTS :
- jaunissement à la longue
- obligation de déshydrater parfaitement
- certaines couleurs disparaissent à la longue (milieu non neutre)
Etapes successives pour la glycérine gélatinée :
- placer la coupe dans de l’eau glycérinée à 20 % durant 15 à 30 minutes (attendre l’évaporation
de l’eau)
- poser 1 à 2 gouttes de glycérine gélatinée (chauffer légèrement si nécessaire pour la rendre
plus fluide) sur la lame porte objet et la coupe
- poser la lame couvre objet en biais pour éviter les bulles d’air
- presser la préparation (avec pince à linge par exemple)
- après 48h00, enlever le surplus qui a débordé
- luter au vernis à ongles (ce n’est pas le meilleur produit de lutage, mais c’est le plus simple
à se procurer et le plus facile à appliquer : pas besoin de fer à luter !)
Etapes successives pour le Baume du Canada :
- déshydrater par des bains successifs d’éthanol à 60°, 75°, 95° durant 10 minutes chacun, puis
terminer par un bain de xylol
- placer la coupe dans du Baume du Canada largement fluidifié au xylol durant 10 à 15 minutes
(attendre l’évaporation du solvant)
- poser 1 à 2 gouttes de Baume du Canada sur la lame porte objet et la coupe
- poser la lame couvre objet en biais pour éviter les bulles d’air
- presser la préparation (avec pince à linge par exemple)
- après 48h00, nettoyer au xylol le surplus qui a débordé
- 24h00 plus tard, nettoyer au méthanol
- luter au vernis à ongles.